Quelques heures ont séparé l’annonce d’un accord entre le gouvernements syrien et israélien de l’annonce de la présidence syrienne d’un cessez-le-feu dans le gouvernorat de Soueïda au sud de la Syrie où des affrontements opposaient vendredi les factions druzes aux factions tribales.
C’est l’envoyé spécial des États-Unis en Syrie, Thomas Barrack, qui a annoncé qu’un accord de cessez-le-feu avait été conclu entre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président syrien par intérim Ahmad al-Charaa, sous l’égide des États-Unis.
L’envoyé américain a confirmé dans une publication sur la plateforme X que l’accord de cessez-le-feu avait été « adopté par la Turquie, la Jordanie et leurs voisins ».
« Nous appelons les Druzes, les Bédouins et les Sunnites à déposer les armes et à œuvrer ensemble à la construction d’une nouvelle identité syrienne unifiée, incluant toutes les composantes de la société, y compris les autres minorités », a-t-il ajouté.
L’envoyé américain a également appelé « tous les Syriens à se respecter mutuellement et à vivre en paix et dans la prospérité avec leurs voisins. »
Israël est intervenu dans les évènements qui sont survenus dans ce gouvernorat à majorité druze opposant des factions druzes aux factions des tribus bédouines arguant vouloir soutenir les druzes. Des dizaines de raids aériens ont bombardé à Soueïda et Deraa des positions des forces armées syriennes qui soutenaient les tribus ainsi que leur quartier général et le ministère de la Défense à Damas.
Le pouvoir syrien, disant vouloir rétablir l’ordre, qui avait déjà déployé ses forces mardi à Soueïda, jusque-là contrôlée par des combattants druzes les avaient retirées jeudi. L’OSDH, des témoins et des groupes druzes ont toutefois accusé les forces syriennes d’avoir combattu au côté des bédouins et d’avoir commis des exactions.
Vendredi, avec la mobilisation des tribus syriennes qui ont dépêché des convois au gouvernorat de Soueïda en soutien aux bédouins, aucun raid israélien n’a été enregistré.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) « les combattants tribaux sont encouragés et soutenus par les autorités syriennes qui ne peuvent plus se déployer à Soueïda en raison des menaces d’Israël ».
Vendredi soir, quelque 200 de ces combattants ont été vus par l’AFP échangeant des tirs d’armes automatiques à l’entrée ouest de la ville avec les groupes druzes positionnés à l’intérieur.
718 morts depuis dimanche
Depuis dimanche, les affrontements entre groupes druzes et tribus bédouines locales, aux relations tendues depuis des années, y ont fait au moins 718 morts selon l’OSDH.
L’hôpital gouvernemental de Soueïda, le seul de la ville qui fonctionne encore, a accueilli « plus de 400 corps depuis lundi matin », parmi lesquels « des femmes, des enfants et des personnes âgées », a dit à l’AFP le médecin Omar Obeid.
Annonce d’un cessez-le-feu par Damas
Ce samedi, la présidence syrienne a annoncé « un cessez-le-feu immédiat et global » et a appelé à son respect immédiat dans toutes les régions.
Dans un communiqué, elle a exhorté toutes parties à permettre aux institutions de l’État de mettre en œuvre ce cessez-le-feu afin de garantir la stabilité, avertissant que toute violation de ce cessez-le-feu serait considérée comme une atteinte à la souveraineté.
Les forces de sécurité ont entamé leur déploiement dans ce gouvernorat.
Dans un communiqué vendredi soir, la présidence avait exhorté « toutes les parties à faire preuve de retenue et à privilégier la raison », tout en affirmant travailler « à l’envoi d’une force spéciale pour mettre fin aux affrontements ».
Charaa occulte son accord avec Netanyahu
Lors de son allocution ce samedi, le président syrien intérimaire Ahmad al-Charaa n’a pas évoqué l’accord conclu avec Netanyahu via la médiation américaine.
Il s’est contenté de dire que « l’intervention israélienne a attisé les tensions à Soueïda après les bombardements flagrants au sud et à Damas. »
Il a assuré que l’Etat a reçu des assurances internationales d’intervenir dans ce qu’il se passe à Soueïda et a tenu à saluer le rôle des Etats-Unis « en faveur de la Syrie et de son unité », après avoir assuré que seul l’Etat syrien est capable de préserver son prestige et sa souveraineté sur tout le territoire syrien.
Charaa a aussi remercié les tribus syriennes et salué « leur héroïsme », les invitant à respecter le cessez-le-feu.
« Il ne faut pas juger toute la communauté druze en raison des actes d’une petite minorité », a-t-il précisé estimant que les circonstances délicates actuelles nécessitent que les tribus et les druzes se tiennent côte-à-côte.
« La Syrie n’est pas le terrain propice aux projets de scission », a-t-il poursuivi assurant que « la force de l’Etat réside dans la cohésion de son peuple ».
Nouvel accord avec les druzes
A l’aube de ce samedi, un nouvel accord de cessez-le-feu a été conclu entre le gouvernement syrien et les cheikhs Aql de la communauté druze à Soueïda, en vue de déployer les forces de sécurité syriennes dans tout le gouvernorat, a rapporté l’agence de presse allemande.
L’accord stipule la remise des armements lourds et l’insertion des factions druzes dans les forces affiliées aux ministères de la Défense et de l’Intérieur.
Mohannad Brik, un chef des factions armées druzes dirigées par le chef spirituel de la communauté druze Hekmat al-Hejeri qui avait refusé le premier accord de cessez-le-feu conclu entre Damas et le Conseil de la communaté druze a été tué dans les combats, ont indiqué des médias syriens.
Après l’annonce de l’accord, cheikh al-Hejeri a précisé ses termes assurant que compte tenu des tractations réalisées avec la médiation des Etats garants, « les barrages de la Sûreté générale seraient établis en dehors des frontières administratives de la province de Soueïda pour empêcher l’infiltration des groupuscuces ».
« Il est interdit à quiconque d’entrer dans les villages frontaliers 48 heures après l’entrée en vigueur de l’accord », a-t-il averti, « pour permettre le deploiement des forces de sécurité de l’autre côté et empêcher les attaques surprises ».
Selon lui « il est permis aux fils de tribus qui sont encore dans les régions du gouvernorat d’en sortir en toute sécurité ».
Les tribus saluent
Le Conseil suprême des tribus a salué la fin des affrontements assurant que les tribus s’engagent à respecter la loi.
Des médias syriens ont rapporté que les forces du ministère de l’Intérieur avaient interdit l’entrée à Soueïda de convois supplémentaires des tribus qui empruntaient les autoroutes de Damas et de Deraa.
Reprise des affrontements?
Au milieu de la journée, le site d’information syrien SDS pro tribus a rapporté sur sa page Telegram des affrontements violents entre les factions tribales et les factions druzes d’al-Hejeri accusant ces dernière d’avoir violé l’accord de cessez-le-feu.
Auparavant, une faction druze, le Mouvement des Hommes de la Dignité a publié une déclaration accusant les groupes soutenus par le gouvernement de continuer à « attaquer des villages et des villes, à agresser des civils pacifiques, à brûler leurs biens et à commettre des violations au vu et au su du monde entier ».
Le mouvement a affirmé qu’il « continue de pleurer les martyrs de tous les axes d’agression », considérant que « résister aux envahisseurs terroristes est un devoir national et moral ».
Il a ajouté que « les terroristes, avec l’assistance et le soutien évidents du gouvernement, violent tous les accords et traités en poursuivant leurs attaques et agressions contre les civils, sous la couverture médiatique bon marché de leurs médias complices ».
Source: Divers